Ce résultat témoigne de
l’insuffisance du développement du secteur industriel et plus particulièrement
dans des branches et produits à forte valeur ajoutée et à contenu technologique
élevé.", indique la lettre.
La charge du CMC est venue juste
après la publication d’un rapport du CESE sur la politique industrielle. Le
conseil économique et social y appelle à "une rupture profonde dans la
manière d’appréhender l’industrialisation du royaume, tant sur le plan de la
conception des stratégies, de leur gouvernance que de leur exécution", car
l’argument de "coût de production" que le Maroc continue de faire
valoir pour attirer les investissements dans le secteur industriel, n'est pas
en phase avec les exigences et les implications mondiales de la quatrième
révolution industrielle 4.0. Enfin, le Conseil économique appelle à faire de la
digitalisation un axe majeur du développement de l’industrie.
Malheureusement, ces experts éludent
le "comment y arriver?" et préfèrent s’appesantir sur un état des
lieux, connu de tout le monde et un objectif final, devenir un Singapour bis,
voulu et souhaité par tous les gouvernements du globe.
Ces discours sont contredits par les
expériences des pays qui ont réussi à sortir du sous-développement et à devenir
de véritables repaires des industries de pointe, tels que le Japon, la Corée du
sud, Taiwan et dans une moindre mesure, la Malaisie.
Aucun de ces pays n’est passé
directement d’un tissu industriel précaire, à une économie "high tech".
Malgré des croissances de plus de 10% par an, il ne leur a pas fallu moins
d’une trentaine d’années pour accéder au statut de "pays
industrialisés". Ces pays ont tous suivi des politiques semblables:
– Une réforme agraire (remembrement
des exploitations, incitations à la mécanisation, adoption de techniques
nouvelles) permettant une nette amélioration de la production, et in fine,
l’émergence d’une population rurale solvable, noyau d’un marché intérieur,
demandeur de produits de consommation.
– Une construction effrénée des
infrastructures de base: ports, chemins de fer, autoroutes et zones
industrielles.
– Une politique
"néomercantiliste": Encouragement des exportations et un
protectionnisme discret visant la restriction des importations. Ils privilégièrent
l’entrée des matières premières et des technologies et freinèrent celle des
biens de consommation, afin de préserver leurs industries naissantes.
– Une réduction du retard
technologique. Le Japon fait appel dès le XIXe siècle aux experts occidentaux,
qu’il paye généreusement afin de les retenir dans l’archipel. Plus tard, la
Corée du sud et Taiwan, encourageront fortement les délocalisations et les
joint-ventures avec des multinationales, détentrices des savoir-faire
technologiques.
– Un patronage et une coopération
public-privé, dont l’aspect décisif n’est autre que le soutien financier de
l’Etat aux entreprises, en échange de leur respect rigoureux des directives
publiques.
– Des charges sociales faibles et
des impôts légers (flat-tax).
Ces mesures avaient concouru Ã
soutenir l’entreprise en général et l’usine en particulier. Elles ont eu pour
conséquence un épanouissement naturel et une entrée progressive de ces pays
dans le monde industriel.
Dans un premier stade, les
entreprises "apprenaient" leurs métiers, à travers la sous-traitance
pour le compte de firmes étrangères, ou encore la fabrication de produits Ã
faible valeur ajoutée. Ce fut d’abord le développement des industries légères,
telles que la confection, l’agro-alimentaire et quelques industries chimiques.
Dans un second moment, des
industries plus capitalistiques, nécessitant une main d’œuvre technique et
situées en amont des premières, commencèrent à se développer: filatures,
tissages, aciéries, industries électriques…etc.
Dans une troisième et dernière
étape, des industries de haute-technologie, autrement plus capitalistiques et
exigeant un continuel effort de recherche et d’innovation: fabrication de
semi-conducteurs, smartphones, robots, écrans tactiles…etc.
Cet aspect progressif du modèle
asiatique, contredit les appels de nos économistes pour une économie de haute
technologie,… hic et nunc!
Le développement des manufactures
n’est certes pas suffisant pour l’émergence du Maroc. Plusieurs champs, tels
que le relèvement du niveau de l’enseignement et la réforme de l’administration
sont encore en friche et demandent, en plus d’une volonté politique, des
budgets conséquents. D’où la nécessité première d’une économie créatrice de
richesses, dont l’industrie serait le socle, capable de fournir à l’Etat
marocain, les moyens de son ambition.