Comparaison internationale,
orientations et compétitivité fiscales, poids des prélèvements obligatoires sur
les ménages, corrélation entre TVA et croissance… le rapport du CMC met aux
prises la politique fiscale au Maroc et les réalités sociales, au demeurant «
difficiles à évaluer » selon la publication mensuelle.
Le dossier spécial du CMC s’appuie
sur le rapport Paying taxes, qui s’est intéressé, dans son édition de 2018, à
l’impact de la digitalisation sur les systèmes fiscaux. Et en la matière, le
Maroc ferait figure de bon élève. « Le pays a encore amélioré son classement :
il est au 25e rang sur un total de 190 pays », note le CMC qui relativise ce
rang en rappelant que le FMI juge le système fiscal marocain, comme dans
beaucoup de pays de la région MENA, « souffrant d’un déficit d’efficacité » et
« peu équitable ».
L’avalanche
des réformes
De la Loi organique relative à la
Loi de finances aux finances locales appelées à connaître de plus amples
bouleversements dans le cadre de la régionalisation avancée, le CMC décortique
le processus de réforme fiscale au Maroc, volet important de la réforme, plus
générale, des finances publiques.
« C’est une entreprise de longue
haleine dans l’effort gouvernemental visant à améliorer les équilibres
macro-économiques » signale le document, se focalisant sur les actions
escomptées en la matière, la volonté de modernisation de la gestion des
finances publiques en renforçant les mécanismes de régulation des recettes et
des dépenses est placée en premier lieu.
« La finalité de l’ensemble de la
démarche est d’aiguillonner le système fiscal vers une nouvelle dynamique, en
adéquation avec les transformations économiques, sociales et politiques du
Royaume », fait savoir la publication.
Les
ménages, au cœur de la tourmente
Source de débats, la fiscalité des
ménages revient au-devant de la scène, non pas à l’occasion de chaque loi de
finances comme il est d’accoutumé, mais pour servir de point focal lors des
prochaines Assises de la fiscalité. « De nombreuses réformes lui ont été
apportées au cours du temps », souligne la publication.
Une perspective est ainsi tracée :
l’allègement de son poids sur les différents agents économiques. « En dépit de
tous les efforts fournis dans ce sens, le Maroc est l’un des pays d’Afrique qui
connait le taux de prélèvement obligatoire (prélèvements fiscaux et cotisations
sociales) le plus élevé du continent » signale le CMC, indiquant qu’en 2017, ce
taux était de 29%.
Pour mesurer les conséquences d’une
telle situation, la publication estime la pression fiscale à 22,9% et les
cotisations fiscales à 6,7%. « L’évolution de ces indicateurs entre 2007 et
2017 appréciée à travers les données des comptes nationaux a été largement
déterminée par celle de la conjoncture ayant prévalu au cours de cette période,
esquisse le CMC, ce niveau est, néanmoins, beaucoup plus faible que celui
observé dans les pays développés ».
L’une des questions qui devraient
être posées et analysées au cours des Assises serait donc de savoir si le
niveau de prélèvement est socialement acceptable dans la durée ? Et dans
l’affirmatif, pour quelle durée ?
Le
facteur travail, première victime de l’alourdissement de la fiscalité ?
« La progression soutenue des
prélèvements obligatoires au cours des dix dernières années a induit une forte
pression fiscale sur les contribuables, entreprises et ménages ». Cette
synthèse, basée notamment sur un taux des prélèvements obligatoires apparent se
situant à 28,7 %, fait classer le Maroc parmi les pays en développement à forte
pression fiscale.
« La restructuration de l’impôt
engagée depuis plus de trois décennies a induit par ailleurs un glissement
sensible de la fiscalité de la consommation vers la fiscalité sur le capital et
le travail » relève le CMC.
Pour en mesurer l’évolution, le
document reprend des estimations effectuées à ce sujet. Elles montrent que « le
taux d’impôt implicite du facteur travail a gagné près de 10 points en l’espace
d’une quinzaine d’années contre 3,2 points pour le facteur capital ».
La recommandation du CMC consiste à
privilégier « le soutien à la compétitivité des entreprises » à travers un
redressement de cette tendance à travers le transfert d’une partie des charges
fiscales attachées au facteur travail vers la consommation finale. La
publication met facteur capital hors d’atteinte.
Les
3ème Assises, cette fois-ci ou jamais
« La réforme de la fiscalité est un
chantier très vaste qui demande des analyses suffisamment approfondies avant
d’aboutir à des conclusions définitives et de portée pratique » souligne le CMC.
Ces mesures proposées en matière
fiscale partent cependant d’un constat, présenté comme « largement partagé »,
et qui suggère que le niveau d’imposition aujourd’hui est assez pénalisant
aussi bien pour les ménages que pour le monde de l’entreprise et des
investisseurs. « Les prélèvements au titre de la fiscalité rapportés au PIB
atteignent actuellement un niveau élevé comparativement à la moyenne de la
région, soit 23 %, argumente-t-on, si l’on inclut les cotisations sociales et
les autres contributions similaires, le montant total des prélèvements
obligatoires dépasse 30 %du PIB et se compare pratiquement aux taux observés
dans certains pays de l’UE ».
TVA,
croissance et trésor public
Le CMC prête à l’économie marocaine
en cette fin de décennie « une traversée de zone de turbulences conjoncturelles
provoquées par des conditions climatiques pernicieuses et par un ralentissement
de l’économie mondiale ».
Avec un taux de croissance de 2,4% prévu au terme de 2019 et 3,5% en 2020,
la publication tente de définir le différentiel significatif entre la
production effective et la production potentielle, le chômage, l’important
poids de la dette publique et l’exacerbation du déficit budgétaire. L’une des conclusions
de la publication est que « les mesures et actions gouvernementales peinent à
trouver le juste équilibre entre une fiscalité accommodante pour accompagner la
croissance et inciter à l’investissement et à la prise de risque et un système
d’imposition pour renflouer les ressources de l’État ».
Une situation qui résulte, selon le
CMC, du « tiraillement engendré par l’important besoin de financement du budget
de l’état et la difficulté d’accéder à plus de ressources, la pression fiscale
(compte non tenu des cotisations sociales) ayant atteint un niveau élevé 21% ».