Les migrations internationales
constituent un phénomène complexe et leur impact sur les pays d’origine et de
destination engendre un intérêt croissant chez les décideurs politiques, les
scientifiques et les institutions internationales. La pression migratoire a
augmenté ces dernières années et devrait s’intensifier dans les prochaines
décennies du fait de l’accroissement des différences salariales et
démographiques entre pays développés et pays en développement.
La fuite des cerveaux, également appelée fuite des talents ou exode
des cerveaux, se produit lorsque des personnes très instruites et
professionnellement formées migrent vers d'autres pays à la recherche
d'opportunités. Depuis les années 60, le phénomène de la fuite des cerveaux a touché de nombreux pays et dont les effets
sur leur structure sociale, leur développement économique et humain et la
construction de l’État de droit, sont considérables. Au Maroc, environ 700 ingénieurs
et 400 médecins en quête de mieux-être, à titre d’exemple, quittent le pays
chaque année.
Quelles sont les causes de la fuite des cerveaux ?
Au Maroc comme dans le reste du
monde, la fuite des cerveaux est le
fruit de plusieurs causes possibles. Beaucoup d’entre elles ne peuvent pas être
affectées par l’intervention publique (comme la proximité, les liens
historiques, la taille du pays ou la fragmentation) ; d’autres peuvent être
contrôlées (comme les indicateurs de politique et l’accumulation de capital
humain).
Depuis son indépendance, le Maroc
a toujours fourni un effort colossal pour former des cadres hautement qualifiés
dans tous les secteurs de la vie. Comme d'autres pays en développement, cette
élite est attirée par l'Occident et ses opportunités. Les raisons à ces départs
sont multiples : entamer une carrière prometteuse, continuer sa formation,
quête d'une meilleure rémunération, ou tout simplement la recherche d'une
reconnaissance qu'on n'a pas pu obtenir au pays. D'autres partent tout
simplement pour prendre le large vers d'autres horizons « plus
indulgents », selon leur dire. Certains espèrent aussi connaître une
meilleure qualité de vie, et veulent « garantir » l'avenir de leurs
futurs enfants en possédant à long terme la nationalité du pays d'accueil.
Il faut admettre que la
révolution technologique a entraîné une croissance rapide d'industries
spécifiques dans les pays développés, notamment dans le secteur de la
technologie de l'information. Cette tendance a encouragé une demande mondiale
croissante pour les travailleurs hautement qualifiés et les nouvelles
technologies de communication ont augmenté leur accès au marché du travail
mondial. La mondialisation a également changé le modèle des relations dans le
domaine du travail, les économies avancées faisant appel à la main-d’œuvre des
pays en développement. De même, la diminution de la population et des
travailleurs qualifiés, en particulier due au vieillissement de la population,
a rendu les pays de plus en plus dépendants de certains secteurs économiques et
sociaux. Le Royaume-Uni, par exemple, encourage la migration des infirmières et
des médecins originaires des pays en développement. Par ailleurs, le taux de
chômage élevé parmi les diplômés des pays en développement a encouragé la
migration. De plus, les travailleurs qualifiés ont tendance à émigrer, leur
intérêt ou leur affiliation étant davantage porté sur leur environnement
scientifique que sur leur employeur ou sur un lieu particulier. Tout cela a
donné de l’ampleur au phénomène de la fuite
des cerveaux, aussi bien au Maroc qu’ailleurs dans le monde.
La fuite des cerveaux n’est pas sans conséquence sur de nombreux secteurs
La qualité de la formation qui a
connu un bond remarquable ces dernières années au Maroc, à un tel point que bon
nombre d’entreprises étrangères sont à l’affût des talents dont regorge le pays.
Des ingénieurs Big Data, ingénieurs web, architectes système ou encore des
ingénieurs consultants… sont même interceptés, dès leur parcours académique
achevé. La formation d’élite coûte chère à l'État qui, des années après,
s'aperçoit qu'il a formé des ressources humaines de qualité pour lui, mais
aussi pour l’Occident, avec le phénomène de la fuite des cerveaux. À titre d’exemple, la formation d’un ingénieur
coûte au Maroc environ 2,5 millions de dirhams. Et pourtant, certains font le
choix d’aller vers d’autres horizons monnayer leur savoir-faire. Autre exemple,
la moitié des 1400 médecins qui se forment annuellement dans les facultés de
médecine quittent le Maroc pour s’installer en Europe, plus particulièrement en
France, ou au Canada. Cela inclut les dentistes et les pharmaciens. La raison
serait que le médecin marocain est demandé en Europe...
Pénurie de personnel qualifié en
informatique, turnover important, perte de temps à recruter, à former… Au
Maroc, les dommages collatéraux sont nombreux. Pourtant, les besoins des
entreprises marocaines augmentent avec la volonté de numérisation de
l’administration. Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que les effets de la
fuite de ces compétences et le non-retour au pays des membres de la diaspora
sur l’économie marocaine, et en matière d’innovation et de recherche, sont
considérables. Cet exode peut en effet entraîner des coûts considérables pour
les pays d'origine : perte de compétences, d'idées et d'innovation, perte
d'investissements dans l'éducation et perte de recettes fiscales, et, peut-être
plus important encore, perte de services cruciaux dans les secteurs de la santé
et de l'éducation.
Le nombre des jeunes diplômés qui quittent le Maroc Ã
la recherche de situations professionnelles et sociales plus avantageuses n’a
cessé de progresser. Aujourd’hui la diaspora marocaine est l’une des plus
nombreuses ; près de cinq millions d’individus répartis sur plusieurs dizaines
de pays. Il appartient aux autorités marocaines de trouver les moyens et les
stratégies de retenir au Maroc les compétences afin de les inciter à contribuer
au développement national. Autant les gouvernements des pays concernés que les
acteurs internationaux ont de plus en plus besoin d'une approche innovante pour
faire face au phénomène de la fuite des
cerveaux, au taux de migration des travailleurs qualifiés qui ne cesse
d'augmenter.