Si le niveau de la dette du
Trésor estimé pour l’année 2020 est de 76% du PIB, il va passer à 75% en 2021 selon
les prévisions de Bank Al Maghrib. Pour rappel, le déficit budgétaire du Maroc
a quasiment doublé en 2020, passant de 46,5 milliards de dirhams à 82 milliards
de dirhams, pesant désormais près de 7,6% du PIB. Le taux d’endettement public global au Maroc est,
quant à lui, passé de 80,4% du PIB en 2019, à plus de 94% du PIB en 2020.
Selon la norme, un pays à revenu
intermédiaire comme le Maroc ne devrait pas dépasser la barre des 60% pour son
endettement. Ces derniers chiffres de la dette
publique au Maroc seraient-ils alors inquiétants pour autant ?
La crise du Covid-19 et l’endettement public au
Maroc
En 2020, la croissance économique
du pays a été fortement impactée par la crise sanitaire, mais aussi une mauvaise
récolte due à la sécheresse. Ainsi se sont vues effondrées en 2020, dépendantes
des économies européennes, les exportations de biens et services qui étaient pourtant
de 39% du PIB en 2019). Représentant 20% des exportations de biens et services
en 2019, les ventes de véhicules et de pièces automobiles ont particulièrement
souffert, s’en suivent aussi les exportations d’articles d’habillement et de
pièces aéronautiques. Néanmoins, les exportations d’engrais (10% des
exportations avec le phosphate naturel et ses dérivés), initialement entravées
par la désorganisation des chaînes d’approvisionnement indiennes, ont
finalement résisté. Les ventes de produits agricoles ont aussi été résilientes,
malgré les perturbations logistiques. Le tourisme qui représente 12% du PIB et
de l’emploi au Maroc a aussi été sévèrement touché et impacté sévèrement
l’économie marocaine. Les recettes touristiques (22% des exportations totales)
se sont effondrées avec les restrictions de déplacement et la fermeture des
frontières.
Pour cette année 2021, les
exportations devraient rebondir en lien avec la reprise économique chez les
principaux partenaires. Cependant, du fait que le virus circule toujours en
l’Europe, leur reprise pourrait être limitée et la reprise n’aurait donc qu'un
impact à court terme sur la dette
publique du Maroc. Il faut dire que le marché automobile européen étant la
première source d’exportation de marchandises montre des difficultés quant à la
relance, il en est de même pour l’aéronautique. Pour ce qui est du tourisme au
Maroc, la deuxième vague du Covid-19 d’octobre 2020 a entraîné une prolongation
de la crise de mobilité, qui continuera de peser sur le tourisme au premier
semestre 2021. Ainsi, selon les prévisions, il ne devrait se redresser qu’Ã
l’été 2021.
Déficits jumeaux et dette publique au Maroc
Les déficits jumeaux revêtent
également une grande importance en ce qui concerne le financement de l’État,
c’est pour cette raison qu’ils sont souvent scrutés par les économistes, les
analystes et les décideurs de la politique économique. En effet, suite à la
COVID-19 qui a induit un grand nombre de dépenses supplémentaires, le déficit
public s’est considérablement accru tout en réduisant les recettes. La baisse
des recettes publiques résulte d’une baisse des recettes douanières et de la
fiscalité domestique.
Nombreux se demandent aussi si
l’aggravation du déficit budgétaire (82,4 milliards de Dirhams à fin 2020)
serait une suite logique du déficit du compte courant. Ces dernières années, le
compte courant accusait en effet de multiples successions de déficits, et ces
dernières n’ont pas été pu absorbées par les IDE. L’Etat a alors dû recouvrir Ã
l’endettement sur le marché international et auprès des bailleurs de fonds.
Cela a conduit à une augmentation de la dette extérieure publique.
Ainsi en 2021, le déficit ne pourrait
que reculer faiblement, car les effets de la crise devraient toujours peser,
notamment au 1er semestre. La dette
publique au Maroc (à 67% extérieure fin 2020) s’est mécaniquement alourdie,
malgré les recettes conséquentes de privatisations.
La hausse du taux de l’endettement public du Maroc inquiète
les agences de notation internationales, notamment les trois principales
agences américaines : Standard&Poors, Fitch et Moody’s. Après s’être
vu sa note baisser chez Standard&Poors et avoir perdu son investment grade
chez Fitch, le Maroc reçoit récemment un troisième coup dur de Moody’s : la
troisième plus grande agence de notation internationale a révisé la perspective
de la note du Maroc en négative. Moody’s souligne son inquiétude quant à la forte
hausse de la dette du pays. Selon
l’agence, alors que l’impact sur la dette publique a jusqu’à présent été
conforme à celui d’autres marchés émergents, la progression à la hausse du
fardeau de la dette poursuit une tendance constante depuis 2008.
Cependant, il faut dire que
l’émergence de la crise du Covid-19 a bouleversé tous les codes et les normes
connues depuis les années 80 en matière de budget et finances. Pour rappel, les
normes de Maastricht ont fixé les fameuses règles d’or de l’équilibre
budgétaire d’un État avec 3% de déficit au maximum et un plafond 60%
d’endettement public par rapport au PIB. Néanmoins, ces seuils restent toujours
au coeur des débats entre les différents analystes et économistes, puisque
selon les dires de certains, ils ne semblent ne correspondre à aucun fondement
scientifique, « sans la moindre base empirique ou théorique ». Même
le FMI et la Banque Mondiale, qui ont été les chantres de ces règles d’or
imposées aux pays du tiers monde, reconnaissent aujourd’hui que ces normes
doivent changer pour donner une marge aux États pour faire face à la crise et
investir dans les secteurs sociaux.
Ainsi, Jesko S. Hentschel, le
directeur du département Maghreb et Malte à la Banque Mondiale, a souligné durant
une interview à la MAP que le déficit budgétaire enregistré au Maroc en 2020 reste
« maîtrisé » par rapport à la plupart des pays de son voisinage, ce
qui témoigne de la prudence fiscale déployée pour faire face à la crise liée Ã
la pandémie du Covid-19.  Le responsable
a expliqué que grâce à la solidité des politiques macroéconomiques au Maroc
ainsi qu'à son étroite relation avec les institutions multilatérales, le Maroc
a pu accéder à un financement externe privé et public conséquent au cours de
l'année écoulée, ce qui a certainement contribué à atténuer l'impact de la
crise.