Sans
précédent, le choc économique engendré par la pandémie du coronavirus (covid19)
a provoqué de profonds changements dans les comportements des agents, des
opérateurs économiques et des gouvernements à l’échelle planétaire et a remis
en cause la mondialisation et ses bienfaits sur les économies des pays. La
andémie
s’est
déclenchée en décembre 2019 à Wuhan en Chine l’un des deux principaux
épicentres de l’économie mondiale avec de nombreux décès et un confinement
total. Atteinte de plein fouet, l’Italie a elle aussi été entièrement mise sous
cloche. Les autres pays de l’Euroland infectés (la France, l’Espagne,
l’Allemagne, la Belgique…) ont fermé leurs frontières pour essayer d’endiguer
la propagation du virus. Les pays d’Asie et du Moyen Orient sont touchés et
comptent leurs morts. Les États Unis ont interdit aux européens l’accès sur son
territoire pour une durée d’un mois. Un climat de terreur et de phobie
s’installe dans tous les coins du monde, bouscule et presse les gouvernants Ã
prendre des dispositions rapides pour stopper l’invasion de la maladie.
Les
frontières se ferment, les avions sont cloués au sol, les chaînes
d’approvisionnement des industries sont soumis à une rude épreuve et les
entreprises de certains secteurs d’activité commencent déjà à réfléchir comment
réduire la voilure. Les marchés mis sous pression par le ralentissement voire
l’arrêt de l’économie chinoise se sont affolés et ont affiché des évolutions dont
les ampleurs étaient inattendues.
Ainsi et en
raison du fait que la Chine est le plus important consommateur du monde des
matières premières, les cours ont chuté pour connaître le niveau le plus bas
depuis l’année 2016. Mais l’effondrement des cours le plus spectaculaire a
concerné le marché du pétrole, le prix du baril du brent est passé de 65
dollars environ le 15 janvier à 26,46 dollars le 19 mars 2020. En effet outre
l’impact du coronavirus et l’affaiblissement de l’économie chinoise qui pèse plus
de 14% dans la consommation mondiale du pétrole, cette descente vertigineuse
des cours a été provoquée aussi et concomitamment par la situation
conflictuelle qui s’est déclarée entre les trois principaux producteurs les
États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite pour des visées économiques et
géostratégiques. La dégringolade a eu entre autre de fortes incidences sur les
places financières et les bourses dans leur majorité ont dévissé.
L’économie
mondiale a changé de visage et la crise qu’elle couve ne s’apparente ni à celle
d’une économie de guerre ni à une crise financière similaire à celle de
2007-2008 dont les éléments déclencheurs sont connus et leur foyer localisé
pour y apporter, comme cela a été fait, les remèdes nécessaires et efficaces et
réduire son impact sur l’économie réelle. De grandes incertitudes et des
interrogations légitimes commencent à se poser sur de quoi demain sera fait.
Les craintes liées au prolongement de la crise sanitaire dans la durée et à son
extension à d’autres espaces ont poussé les pouvoirs publics de l’ensemble des
pays touchés à adopter des stratégies et des plans d’urgence pour freiner la
maladie du covid19, et pour venir en aide aux secteurs d’activité les plus
affectés (transport aérien, hôtellerie, activités liées au tourisme…) et
procéder au redressement de l’économie d’une manière générale.
La Banque
Centrale Européenne a débloqué une enveloppe de 750 milliards d’euros pour
alléger tant soit peu les retombées néfastes de cette crise sanitaire sur les
économies.
La France qui a décrété l’état d’urgence sanitaire a aussi établi un plan avec
un budget de 45 milliards d’euros destiné à atténuer les conséquences de la
maladie sur l’économie et 2 milliards pour essayer d’enrayer la pandémie.
L’Espagne a alloué un budget de 100 milliards d’euros pour soulager ses
entreprises. Les autres pays d’Europe ainsi que les États-Unis ont opté pour
des plans d’urgence similaires avec des budgets aussi importants. Le Royaume du
Maroc n’est pas en reste puisque le gouvernement a alloué une enveloppe
budgétaire de 10 milliards de dirhams dont 5 milliards sont réservés pour
contrecarrer la pandémie et les 5 autres pour soutenir les activités
économiques impactées. En parallèle et dans un élan de solidarité et de
générosité exemplaire, ce fonds spécial pour la gestion de la
pandémie
covid19 a été renfloué en l’espace de 48 heures d’un montant supérieur à 10
milliards de dirhams par les dons bénévoles des entreprises et des institutions
privées et publiques ainsi que des particuliers.
Economie
mondiale : Une croissance modeste d’environ 2%
Devant
cette situation tragique pour l’humanité entière, imprévisible il y a de cela
quatre mois, établir desprévisions et des scénarii de ce que sera demain
rencontre
les plus
grandes difficultés pour avancer des hypothèses crédibles et pronostiquer des
évolutions plausibles des économies tant le poids des incertitudes qui
entourent ses prévisions est tellement lourd. À côté des pertes inestimables de
vies humaines à déplorer, la maladie du covid19 a occasionné de larges dégâts
au niveau de toutes les économies et a eu des incidences fâcheuses sur le
pouvoir d’achat des catégories sociales les plus vulnérables. Ainsi affectés
par le ralentissement quasi certain que connaitrait l’économie chinoise avec un
taux de croissance d’à peine 3,5% contre 6,1 en 2019, certains pays asiatiques
et même des pays de la zone euro pourraient entrer en récession.
La France
prévoit déjà une baisse de la croissance de 1%.Et l’économie mondiale d’après
les estimations prospectives du Centre ne connaitrait qu’un taux de croissance
modeste d’environ 2%. Dans cette conjoncture internationale déprimée et altérée
par l’ampleur de la crise sanitaire, l’économie nationale va être impactée
sérieusement de par son ouverture et ses interdépendances avec le monde
extérieur. En plus, elle se trouve prise en tenaille entre les effets
dévastateurs du coronavirus et la contreperformance quasiment connue du secteur
agricole.
Aujourd’hui,
le sérieux déficit pluviométrique constaté au cours des derniers mois préfigure
d’une mauvaise campagne agricole dont l’ampleur a déjà poussé le Ministère de
tutelle à mettre en œuvre un plan d’urgence pour pallier le manque d’eau et
protéger le cheptel.
Des
hypothèses fragiles, mais soutenables
Ainsi
compte tenu de la singularité de l’exercice 2020, les hypothèses qui ont présidé Ã
l’établissement des prévisions exploratoires pour l’économie marocaine sont
conditionnées par les développements rapides des évènements et par voie de
conséquence demeurent assez fragiles. Celles qui sous-tendent le scénario de
référence peuvent se résumer comme suit :
(i)
L’hypothèse centrale considère que la crise sanitaire prendrait fin au milieu
de l’année et que la reprise devrait se faire progressivement sans à -coups ;
(ii) La
campagne agricole 2019-2020 assez sèche produirait un affaissement notable de
la production céréalière qui ne dépasserait guère les 40 millions de quintaux ;
(iii) La
baisse du taux directeur de Bank Al Maghreb d’un quart de point ne produirait
aucun effet immédiat sur l’économie réelle ;
(iv) Par
contre la politique budgétaire largement accommodante initiée par la création
du fonds spécial de gestion de la pandémie du coronavirus et la solidarité
agissante des marocains pourrait bien faire éviter la faillite à un bon nombre
d’entreprises et sauver des emplois ;
(v) Les
autres hypothèses conventionnelles qui se trouvent derrière ce scénario tablent
sur un redressement du prix du pétrole au milieu de l’année pour se stabiliser
autour de 50 dollars après la chute qu’il a accusé au dessous de la barre des
30 dollars. Elles supposent que l’inflation resterait contenue à un niveau
assez bas.
Elles présument aussi qu’avec l’élargissement de la bande des fluctuations
possibles concernant les termes de change, la parité du dirham pencherait plus
vers une réévaluation vis-à -vis du dollar et connaitrait une dépréciation par
rapport à l’Euro.
Une
croissance de 0,8% en 2020
Dans le
cadre de cette panoplie d’hypothèses fragiles mais soutenables et au vu des
maigres indices précurseurs,la configuration des prévisions sectorielles
retenues pour le scénario de référence a permis de dégager un taux de
croissance conjecturable du Produit intérieur brut à prix constants d’environ
0,8% pour l’exercice 2020.
Cette
contre-performance économique devrait découler du retrait de l’ensemble des
secteurs sous les effets multiples déclenchés par la maladie du Covid19 de la
psychose et de la perte de confiance en passant par les restrictions des
déplacements et le confinement pour arriver au stade de l’état d’urgence
sanitaire.
En dehors
du secteur agricole qui devrait afficher une diminution de sa valeur ajoutée en
volume d’environ 3% en raison des conditions climatiques pernicieuses
enregistrées durant l’hiver, les autres secteurs devraient pâtir des dégâts
causés par le coronavirus et ce à des degrés divers en accusant un
ralentissement ou carrément une baisse de l’activité. Le secteur de
l’hébergement et la restauration figure parmi les activités les plus touchées,
sa valeur ajoutée en termes réels devrait
fléchir
d’environ 25 % tant la reprise serait lente et difficile. Les services de
transport aussi bien aérien, ferroviaire que routier devraient marquer le pas
et leur valeur ajoutée globale connaitrait une stagnation en glissement annuel.
Quant au
secteur de l’industrie extractive, il devrait subir l’impact du rétrécissement
des marchés extérieurs induit par le mouvement dépressif de l’économie
mondiale. Le rythme de sa croissance pour 2020 connaitrait un ralentissement et
serait amputé de moitié comparativement avec celui de l’année écoulée qui
serait de l’ordre de 5%.
Dans cette texture anticipée de la croissance de
l’économie nationale pour l’année 2020, la contribution des activités des
industries manufacturières resterait modeste et se situerait en deçà des 2% aux
termes de l’année; aujourd’hui certaines de ces activités peinent à trouver des
marchés ou sont bloquées par manque d’approvisionnement en matière première et produits
intermédiaires et d’autres sont complètement à l’arrêt comme la branche
principale de l’industrie automobile.