Politique budgétaire au Maroc : Diagnostic sur la situation budgétaire

Dans le rapport suivant, CMC répond à la question suivante: Quelle voie prend la situation budgétaire actuelle du Maroc dans cette période assez particulière ?
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Posté Le : Mercredi 9 septembre 2020

Diagnostic sur la situation budgétaire actuelle du Maroc

Aussi bien dans les pays en voie de développement que ceux des plus avancés, et autant dans les débats des décideurs que dans les milieux universitaires, il faut dire que la politique budgétaire au Maroc a connu un vif regain d’intérêt depuis le déclenchement de la crise économique et financière internationale que le monde a connue il y a une décennie déjà.

Pour un pays émergent comme le Maroc, l’importance de la politique budgétaire réside dans le potentiel qu’elle offre en matière de stabilisation du cycle économique et de relance de l’activité en période de récession. Cette politique budgétaire va également tenir compte de la complexité de ses interactions avec la politique conjoncturelle ou encore les autres politiques, quelle que soit leur nature.

Cependant, la pertinence de la politique budgétaire au Maroc reste conditionnée par de nombreux facteurs, particulièrement, sa capacité à adopter un comportement contra-cyclique, de gérer de manière optimale l’arbitrage entre relance de l’activité et soutenabilité de la dette à long terme, ainsi que son aptitude à contribuer à une meilleure redistribution des fruits de la croissance entre les agents économiques. La politique budgétaire, et plus précisément la loi de finances, s’inscrit dans le cadre de la régulation de court terme. Elle est d’une durée annuelle et peut faire l’objet d’une rectification devant être approuvée par le Parlement.

En termes de ressources globales, 56,2% des prévisions de la loi de finances ont été réalisées à fin juin 2020

Le site du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration a publié lundi 17 août le rapport trimestriel sur l’exécution de la loi de finances. À fin juin 2020, plus de la moitié des ressources globales ont été réalisée, soit 56,2% des prévisions de la loi de finances en termes de ressources globales. En ce qui concerne les charges totales, elles ressortent à 262,3 milliards de dirhams, dont 126,3 milliards de dirhams de dépenses ordinaires du budget général. L’exécution de la loi de finances dégage à fin juin un excédent des charges sur les ressources de 5,8 milliards de dirhams. Cet excédent tient compte, en effet, d’un total de 53,4 milliards de dirhams d’emprunts et des amortissements de la dette de 30,4 milliards de dirhams.

Cependant, la crise sanitaire actuelle a bien révélé les fragilités de la politique budgétaire au Maroc. Certains experts et analystes notent même que le Maroc traversait une crise socioéconomique bien avant l’éclatement de la pandémie du Covid-19. Celle-ci n’a fait qu’amplifier les déséquilibres antérieurs. Durant la période de confinement sanitaire, 70% des ménages auraient bénéficié d’une aide, soit une enveloppe budgétaire globale de 22,4 milliards de dirhams. S’ajoute un appui financier, en particulier aux TPE et aux PME, évalué à une garantie de 17,5 milliards de dirhams, au profit de 48 000 entreprises.

Récemment, les derniers discours de Sa Majesté le Roi sont porteurs d’une nouvelle dynamique de changement. Le Souverain a particulièrement appelé les forces vives de la nation à se mobiliser pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement Maroco-marocain. Les axes de changement visent ainsi principalement la relance économique, la généralisation de la couverture sociale et l’exemplarité que doit donner l’État dans la rationalisation des dépenses publiques. Un Fonds d’investissement stratégique a été créé dans l’optique de la relance économique, avec une enveloppe globale estimée à 120 milliards de dirhams, en vue d’appuyer les entreprises en difficulté, avec pour objectifs prioritaires le maintien de l’emploi et la régularisation des salariés à la CNSS. Pour ce qui est de la couverture sociale, une application progressive est prévue pendant les cinq prochaines années, au cours desquelles seront entreprises des réformes préalables avec des mesures d’accompagnement, notamment le renforcement des infrastructures sanitaires et la mise en place, sur le plan fiscal, d’une « Contribution professionnelle unifiée ». Enfin, pour le troisième axe stratégique afférent touche particulièrement le domaine de la politique budgétaire au Maroc en termes de dépenses publiques, une restructuration des établissements ou entreprises publics est prévue, certains se verront regroupés en pôle, tandis que d’autres seront tout simplement « supprimés ».

Une approche unique, inclusive et collaborative proposée par la Banque mondiale, le HCP et le SNUD

Dans le domaine de la politique conjoncturelle au Maroc, une réponse socio-économique intégrée vient d’être proposée conjointement par la Banque mondiale, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et le Système des Nations-Unies pour le développement (SNUD) dans une note tripartite évaluant l’impact social et économique de la crise sanitaire au Maroc. Selon leur constat, les efforts du Maroc en faveur des Objectifs du développement durable (ODD), notamment du développement humain et de la lutte contre les changements climatiques, constituent une base solide pour une sortie de crise qui redéfinirait les systèmes en place et proposerait un nouveau modèle de développement durable, inclusif et équitable.

Il faut dire qu’au-delà des impacts qui incombent la politique conjoncturelle au Maroc, la crise sanitaire a révélé des maux bien plus profonds, de nature structurelle. Le grand défi sera de transformer cette crise en opportunité. C’est possible, mais certaines ruptures préalables sont nécessaires. Un récent rapport du FMI confirme, dans ses projections, l’impact négatif et durable de la crise sur le tourisme, au niveau mondial. Et parmi les pays les plus impactés, il y a le Maroc figure. D’où le « Contrat-Programme-Tourisme », signé entre l’État et les professionnels où il est surtout question d’appui financier, en termes de crédits spéciaux tels que « Damane Relance » pour l’hôtellerie, les transporteurs et les voyagistes, et le soutien de 2 000 dirhams aux salaires, jusqu’à fin décembre 2020. L’objectif immédiat est le maintien des emplois et la préservation des activités touristiques, ainsi que celles qui en dépendent étroitement, la stimulation de la demande interne et la mise à niveau des divers acteurs.

Somme toute, la politique budgétaire au Maroc reste une science inexacte, certes. Mais dans une période de crise, chaque acteur est appelé à jouer un rôle plus important, aujourd’hui, plus que par le passé. Il leur faut pour cela guider leurs pays tout en allant au-devant de la crise et proposer des solutions au chômage de masse, aux monopoles, aux inégalités. Bref, chacun se doit d’anticiper le changement, et non de le subir.