Cette thématique a fait l’objet
d’une journée d’étude organisée récemment par le Centre Marocain de Conjoncture
(CMC). Une rencontre habituelle pour les analystes de chiffres, l’occasion pour
diagnostiquer la conjoncture actuelle et élaborer les perspectives de la croissance
économique à l’horizon 2020.
Le primaire pèse lourdement
Tel qu’expliqué par Ahmed Laaboudi,
membre du CMC, pourquoi on se pose la question : 2020, année de rattrapage ?
Primo, le Centre prévoit un taux de croissance de 4,6% en 2020 contre un taux
qui, au meilleur des cas, ne dépasserait pas un taux de 3% en 2019.
Secundo, durant les quatre dernières
années, on assiste à une moyenne de croissance économique de 2,8%, soit un
cycle de croissance relativement faible. Autrement dit, il est plausible d’espérer
un rattrapage après un cycle de ralentissement. Le point d’interrogation est
toutefois nécessaire parce que nous sommes dans un contexte marqué par
l’escalade de la guerre commerciale sino-américaine, le Brexit dont les
contours ne sont pas encore bien dessinés, le ralentissement économique de pays
partenaires… Autant d’aléas sur le plan international qui pourraient inverser
la vapeur à tout moment de la tendance économique nationale.
Membre également du CMC, M. Tahraoui
en faisant le diagnostic de 2019 estime que l’exercice va se clôturer sur un
taux de croissance de 2,6% (vs 3% en 2018). Ce ralentissement s’explique
essentiellement par la contre-performance du secteur agricole accusant une
baisse de 3,7%. Cette contre-performance a pour toile de fond une campagne
agricole de 52 Mqx inférieure de 30% à celle d’une année moyenne. Le secteur
industriel a par contre affiché au cours du premier semestre une hausse de
2,3%.
En ce qui concerne le BTP, il est Ã
rappeler que le secteur a connu plusieurs difficultés au cours des dernières
années. Aujourd’hui, on assiste à une reprise matérialisée par une hausse des
ventes de ciment de l’ordre de 2,2% à fin juin 2019. Une reprise qui ne fait
pas l’unanimité chez les opérateurs économiques qui considèrent que le ciment
peut servir à l’entretien, à l’auto-construction… Ce qui biaise entièrement les
chiffres.
Dans un contexte pareil, la demande
des ménages a affiché une baisse de 2,9%. Ayant tiré la croissance économique
vers le haut pendant plusieurs années, on assiste aujourd’hui à un essoufflement de
la demande interne qui s’explique par des éléments inhérents à la conjoncture
économique actuelle. Une demande interne dont l’impact de l’essoufflement sur
la croissance économique se fait ressentir de plus en plus. Aussi, faut-il
reconnaître que les mesures mises en place par l’Etat pour soutenir la demande
interne (impôts, salaires…) restent somme toutes limitées.
On assiste par ailleurs à une
aggravation du déficit budgétaire à 33,5 Mds de DH contre 27,83 Mds de DH en
2018. Bref, l’économie marocaine se trouve dans une situation financière très
délicate qui s’explique entre autres par une balance commerciale déficitaire (
les exportations ayant baissé de 4,7%) et des Investissements directs étrangers
en baisse de 17,2%.
Tout ce qui précède laisse entrevoir
un ralentissement de la croissance économique à un taux de 2,6% (2,7% pour le
HCP) avec pour base une campagne agricole au-dessous de celle d’une année
moyenne.
2020 : Quels pronostics ?
De prime abord, les conjoncturistes
rappellent les principales hypothèses qui vont éventuellement marquer la
tendance économique. Ils passent en revue les incertitudes (guerre commerciale,
Brexit, hausse des matières premières, excès d’endettement) qui pointent du nez
et planent sur l’économie nationale comme une épée de Damoclès. Ajoutons à cela
les tensions géopolitiques au Moyen-Orient qui au demeurant sont peu porteuses
en matière de croissance.
Sur le plan national, les
conjoncturistes prévoient un redressement des activités agricoles après une
année de sécheresse. Ils prévoient par ailleurs une perte de compétitivité de
l’économie nationale sur les marchés les plus pertinents. Mais cela ne les
empêche pas de prévoir un taux de croissance économique de 4,6% pour l’exercice
2020. Un taux qui interpelle à plus d’un titre dans la mesure où le taux
escompté par la Banque Centrale oscille autour de 3,8%. Un écart qui reste tout
de même important.
« L’écart avec les pronostics de
Bank Al-Maghrib qui prévoit un taux de croissance de 3,8% réside dans le
secteur primaire dont le taux d’amélioration serait de 9,5% (vs -3,7% en 2018)
», tient à préciser M. Tahroui. Après une année 2019 relativement sèche où le
secteur agricole a été affecté à travers la céréaliculture, la branche économique
primordiale par excellence pour l’activité du monde rural, l’économie nationale
devrait, avec toutes les précautions d’usage, enregistrer un rebond
notable. Ce scénario exploratoire du CMC
devrait constituer un point d’inflexion au niveau du cycle de l’activité et
permettre une relance vigoureuse de l’économie.
Partant d’un tel constat et d’une
situation économique délica, les conjoncturistes font quelques recommandations
:
La réflexion sur un nouveau modèle
de développement offre l’occasion d’engager une nouvelle approche en vue de
dépasser les insuffisances ;
La reprise attendue de l’activité en 2020
devrait être confortée et soutenue par des mesures budgétaires de relance
(dépense publique, fiscalité, soutien à l’investissement…) ;
Le redressement prévisible du cycle
conjoncturel en 2020 est attribuable principalement au secteur agricole.
L’économie nationale devrait s’affranchir de l’aléa climatique ;
Engager à moyen et long terme une
dynamique de transformation structurelle de de diversification productive. Une
telle dynamique implique forcément le développement du secteur exportateur et
sa diversification.
Le taux avancé par les
conjoncturistes (4,6 %), bien qu’il soit nettement supérieur à celui de la
Banque Centrale, pourrait être réalisable. Mais encore faut-il que l’Etat
puisse disposer d’une marge de manoeuvre lui permettant de bien entreprendre
pour accompagner la reprise de l’activité économique. Les dispositions de la
Loi de Finances 2020 sont très déterminantes pour y parvenir.