Alors qu’un brainstorming national
autour du modèle de développement a été enclenché depuis le discours royal de
la Fête du trône de 2017, le Centre marocain de conjoncture (CMC) a décidé de
se pencher sur l’avis des entrepreneurs. L’observatoire a réalisé, au cours du
premier trimestre de l’année 2018, une enquête auprès d’un échantillon
représentatif des opérateurs industriel qui a livré le point de vue de ces
derniers sur le sujet, apportant un éclairage nouveau sur de nombreux aspects
de ce dossier. Au préalable, les opérateurs économiques marocains sont unanimes
(97,5%) à penser que le modèle de développement actuel a atteint ses limites et
qu’il doit nécessairement évoluer pour plus d’efficacité. Il y a «cette
quasi-unanimité des industriels à souligner l’essoufflement actuel du modèle de
développement actuel et la nécessité de procéder à sa transformation en
profondeur», explique l’enquête, et selon le sondage, cela est principalement
dû à «la persistance des inégalités sociales et territoriales, la faiblesse de
la capacité de création d’emploi et l’aggravation du chômage, l’essoufflement
de la croissance, la déficience du système de gouvernance, la faible
diversification productive, l’insuffisance de la compétitivité et la faiblesse
du secteur exportateur». Certaines données macroéconomiques sont également à
l’origine de l’inquiétude des opérateurs puisqu’ils s’alarment quant à la
faible convergence vers les pays émergents, au manque d’attractivité, à la
faiblesse des rendements des investissements et à la détérioration des
équilibres financiers. D’ailleurs, pour évaluer l’actuel système, les patrons
jugent que le critère prépondérant pour juger de la pertinence d’un modèle de
développement est «sa performance économique et financière», suivie de sa
capacité à contribuer efficacement au développement social. Viennent ensuite,
dans l’ordre, la qualité des institutions du pays, les progrès au niveau de la
répartition, de l’équité et de la justice sociale et la diversification de ses structures
productives. Le niveau de productivité et de compétitivité ainsi que sa
capacité à faire face aux changements du contexte et la protection de
l’environnement de manière durable sont aussi des facteurs d’évaluation
intéressants, mais qui semblent être moins prioritaires pour eux.
Quel rôle pour l’État ?
Seulement, les avis divergent
quelque peu concernant les alternatives. Pour la révision du modèle de
développement de l’économie nationale, plusieurs patrons optent pour une
stratégie combinant le développement du marché intérieur et l’intégration des
marchés internationaux. 85,7% des industriels sondés ont fait ce choix contre
seulement 28,6% qui proposent aussi une stratégie de compétitivité,
d’ouverture, d’intégration des marchés internationaux et d’exportation et 11,9%
qui n’écartent pas une stratégie axée principalement sur le développement du
marché intérieur. «La réussite d’une telle stratégie doit, selon les patrons
marocains, s’appuyer en priorité sur le développement régional et la réduction
des inégalités pour 75% d’entre eux. L’amélioration des performances
économiques et la convergence vers les standards des pays émergents viennent en
second lieu. Un constat confirmé par les sondés puisque, respectivement,
environ 59,5% et 54,8% des enquêtés optent pour ces deux options», analyse-t-on
auprès du CMC. En outre, les chefs d’entreprises tablent sur la formation,
l’éducation et l’amélioration substantielle du climat des affaires comme
leviers pour atteindre les objectifs fixés d’un nouveau modèle de
développement, lequel, d’ailleurs, ne se fera pas sans l’État, premier
investisseur. Cet état de fait dérange les chefs d’entreprises, qui voient en
lui «un facilitateur, un régulateur, un partenaire et un accompagnateur des
initiatives privées (rôle d’accompagnement)». Cet avis est confirmé par 66,7%
des responsables d’entreprises au Maroc. Un État intervenant par le truchement
du secteur public dans l’économie (État développeur) n’est apprécié que par
23,8% des personnes sondées alors qu’un État fixant les choix stratégiques à
long terme et les conditions de leur réalisation (État stratège) est souhaité
par 50% des opérateurs. Dans cette perspective, les responsables du secteur
privé se disent prêts à participer à une dynamique qu’impose la nécessaire
évolution du modèle de développement de l’économie marocaine. Ils sont unanimes
à le confirmer (100%). Les secteurs à dynamiser davantage dans le nouveau
modèle de développement sont en priorité le secteur industriel et les activités
de service. L’agriculture, l’énergie et le secteur touristique viennent dans
cet ordre, dans le classement des priorités. Les options stratégiques
privilégiées par les industriels sont successivement le développement de
l’économie sociale et solidaire, le développement de l’économie numérique et le
développement de l’économie verte.