Le Centre marocain de conjoncture
(CMC) a titré sa note de conjoncture pour le mois d’avril : «Par-delà la
pluie». Ce titre emprunté à l’écrivain Victor del Àrbol, «image parfaitement la
conjoncture économique du Maroc en 2019», lit-on dans la note. Si, en effet
l’économie nationale demeure suspendue à la clémence du ciel et à la pluie qui
a manqué terriblement tout le long de cette période hivernale, la pluie, ce
facteur exogène, n’est pas le seul à faire dévier la croissance de la bonne
orientation qu’on lui a prédite au moment de l’établissement des anticipations
extrapolatives à la fin de l’année écoulée. «Les hésitations des pouvoirs
publics et les indécisions qui ont caractérisé l’énoncé de leurs actions
politiques seraient en train d’installer un climat d’attentisme et de défiance
et devraient, elles aussi, contribuer à ce ralentissement de l’économie qui se
profile et qui remet en cause les pronostics avancés par l’ensemble des
organismes de prévisions, sans exception», martèle- t-on au niveau de la note
du CMC. L’autre facteur déterminant dans le détournement des bonnes
perspectives pressenties pour l’année 2019, il y a à peine trois mois, est la
fébrilité inquiétante des opérateurs économiques privés dans leurs
anticipations et dans leur rôle de réducteurs d’incertitudes. Les premières
prévisions pour 2019 établies par le CMC laissaient présager un dynamisme
conséquent de l’économie nationale avec un taux de croissance de 3,6%.
Croissance
2019 revue à la baisse : 2,4%
Toutefois, l’absence de pluie durant
ce premier trimestre associée au retournement d’autres facteurs conjoncturels
en ont décidé autrement et ont frustré toutes les prévisions, même les plus
prudentes. La croissance a été revue à la baisse et le différentiel est
relativement élevé pour ne retenir qu’une évolution modeste de l’ordre de 2,4%.
Sur le plan interne, l’activité économique devrait faire face encore une fois
aux mauvaises conditions climatiques. La production de la sous-branche des
céréales et des légumineuses attendue pour 2019 connaîtrait un important
fléchissement. Mise en rapport avec l’excellente campagne agricole précédente,
cette baisse serait de l’ordre de 35%. «De par le poids de ces spéculations
dans la production agricole et du rôle qu’elles jouent sur le marché du travail
rural, leur décrue aurait, sans nul doute, des effets négatifs sur l’ensemble
des rouages de l’économie, affecterait le niveau de l’emploi et par le
truchement d’un déplacement de la main-d’oeuvre agricole, pourrait entraîner un
gonflement de la population des chômeurs des villes», analyse le CMC dans sa
note conjoncturelle. Le recul prévisible des revenus des agriculteurs devrait
déboucher d’une manière globale sur un retrait de la consommation finale des
ménages, l’une des principales composantes de la demande, et provoquerait une
dégradation du niveau de vie, déjà relativement érodé.
Industries
manufacturières : cadence moyenne de 3,5%
Par ailleurs, les autres secteurs
d’activité, en dehors de l’agriculture, devraient tenir le coup sans trop de
dégâts, certains d’entre eux continueraient même sur leur bonne tendance de
croissance et présenteraient une assez forte résilience à la morosité de la
conjoncture. Les industries extractives devraient maintenir le cap de la
relance qu’elles ont abordé l’année écoulée. Les secteurs industriels de
l’automobile et de l’agro-alimentaire poursuivraient leur trajectoire à la
faveur d’une demande extérieure quelque peu soutenue même si c’est un rythme
atténué. «Globalement, la valeur ajoutée aux prix constants des industries manufacturières
progresserait à une cadence moyenne de l’ordre de 3,5%. Le secteur des
bâtiments et travaux publics sortirait, selon toute probabilité, du cycle de
déprime dans lequel il a baigné huit années durant», annonce le CMC. Les
indicateurs précurseurs comme la bonne orientation des crédits au logement et
le relèvement à peine perceptible des ventes du ciment seraient en train de
l’attester. Les activités de services et de commerce, en dépit de la baisse
attendue de la demande domestique et des contingences liées au repli du secteur
agricole, feraient preuve d’un dynamisme relatif, soutenues essentiellement par
les branches des transports, de l’hôtellerie et de la restauration, des
communications et du commerce, l’accroissement de la valeur ajoutée du secteur
tertiaire dans son ensemble devrait, sur la foi des anticipations des
opérateurs, approcher les 4% en volume. En matière d’investissements, alors que
les IDE progressent à une bonne allure sans craindre les méfaits de cette basse
conjoncture, les opérateurs privés locaux demeurent prudents, voire frileux,
pour s’engager dans de nouveaux projets ou même seulement augmenter leurs
capacités de production. «Cette attitude transparaît à travers les prêts
bancaires à l’équipement qui traînaient le pas, tout le long de 2018 et dont le
rythme d’évolution en ce début d’année 2019 est à peine perceptible, pour jouer
le rôle décisif nécessaire à la relance de l’économie», déplore le CMC dans sa
note.
Creusement
du déficit commercial : 8% du produit intérieur brut
Les expéditions des marchandises du
Maroc vers le reste du monde en 2019 devraient, en partie, subir le repli
essuyé par le secteur agricole et pâtir d’une conjoncture dont les contours
n’arrivent pas à trouver des formes. Ainsi, malgré les bonnes performances que
devraient réaliser la branche des phosphates et dérivés, le secteur des
produits agro-alimentaires et celui de l’automobile, les exportations de biens
et services dans leur ensemble n’enregistreraient qu’un accroissement d’environ
6%. Alors que les importations, alourdies par la facture pétrolière,
l’approvisionnement en blé et en biens d’équipement, évolueraient à un taux qui
frôlerait les 7,5%. Cet effet de ciseaux aboutirait à un creusement du déficit
commercial qui atteindrait environ 8% du Produit intérieur brut.
Léger
relèvement des prix de 2%
Par ailleurs le CMC explique que la
tendance au ralentissement des prix qui perdure fait craindre un mouvement de
fond déflationniste surtout que le calme affiché par les prix devrait
s’accompagner par un fléchissement du taux de croissance, un investissement qui
piétine et une régression de la consommation des ménages. En ce début d’année,
la hausse de l’indice des prix à la consommation a été légèrement vive car
provoquée par le relèvement des prix des produits alimentaires (viandes rouges,
poisson, fruits et légumes) mais cette inflexion devrait se tasser au milieu de
l’année pour que l’indice retrouve sa trajectoire tendancielle et déboucher sur
un taux annuel de 2%. Sur le plan de l’emploi, le ralentissement de l’activité
économique devrait se traduire par des pressions importantes sur le marché du
travail. Le taux de chômage, après une légère détente à la fin de l’année 2018,
devrait sous les mêmes conditions qu'aujourd’hui augmenter d’environ 1,5 point,
conclut la note du CMC.