En revanche, les arguments selon
lesquels les inégalités peuvent être nocives pour la croissance ont tendance à
être plus audibles. Dans une étude de 2014, l’OCDE explique que «le principal
facteur qui détermine l’incidence des inégalités sur la croissance est le fossé
qui sépare les ménages les plus modestes du reste de la population.
L’effet négatif à cet égard ne se
vérifie pas seulement pour le premier décile, au bas de l’échelle de
distribution du revenu, mais pour les quatre premiers déciles. La conclusion
qui s’impose est que le tout n’est pas de lutter contre la pauvreté, il faut
encore prendre des mesures visant les revenus modestes dans leur ensemble».
Malgré les résultats positifs
enregistrés dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, les inégalités
restent élevées.
Entre 2000 et 2016, le revenu par
tête est passé de 14.380 DH à 31.229 DH en terme courant (+ 4,9% par an). Cette
évolution ne s’est pas accompagnée d’un changement dans la répartition des
richesses: 62% du revenu national créé est distribué sous forme d’excédent brut
d’exploitation, 36% sous forme de salaires et 2% est collecté sous forme
d’impôts. «L’écart entre les détenteurs de capital et les salariés est de 26
points», souligne le Centre Marocain de Conjoncture.
S’appuyant sur les récents travaux
du Haut Commissariat au Plan, le CMC affirme que le ratio entre le niveau de
vie des 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres est passé de 12,5 fois
en 2007 à 11,8 fois en 2014.
L’enquête révèle aussi que la moitié
de la population aisée réalise 75,8% des dépenses totales, soit 3,1 fois plus
que la moitié des ménages les moins aisés. La part de ces ménages dans la
dépense totale a atteint 24,2% en 2014 contre 23,4% en 2001, soit 0,8 point de
plus sur plus d’une décennie!
En dépit des réformes et des
stratégies sectorielles, la croissance au Maroc reste faiblement inclusive. A
titre d’exemple, le taux de chômage est important en particulier parmi les
jeunes et les femmes et les emplois que la croissance génère sont le plus
souvent précaires. «Une large frange de la population est exposée au risque de
pauvreté occasionnant ainsi la montée des inégalités», souligne le CMC.
Le phénomène est aggravé par
l’existence dans l’économie de deux secteurs: l’un moderne structuré et l’autre
traditionnel, informel et mal contrôlé. Ce qui accroît les inégalités non
seulement entre les personnes mais également entre les régions et les localités
en matière de santé, d’éducation…etc. De même la diversité des situations
existantes rendrait difficile les mesures susceptibles de changer la structure
des revenus et de réduire les inégalités.
«Une telle situation ne permet pas
d’éradiquer la pauvreté au Maroc d’ici 2030 comme le stipulent les Objectifs du
Millénaire pour le Développement de l’Organisation des Nations Unies même si
des progrès non négligeables ont été réalisés jusqu’à présent», soutiennent les
experts du Centre.
Le Centre marocain de conjoncture
estime nécessaire une politique qui dynamise durablement la croissance et
instaure les conditions plus égalitaires de sa répartition. Elle doit être
centrée sur la réforme du système éducatif, la gouvernance des entreprises et
l’amélioration des conditions de vie à travers une stratégie qui remédie aux
inégalités des revenus.