L’aquaculture à l’horizon 2020: Retard à l’allumage

A moins d’un miracle, le ministère de la Pêche n’atteindra pas les objectifs qu’il s’est fixés dans le domaine de l’aquaculture à l’horizon 2020. La stratégie sectorielle prévoit en effet une production de 200.000 tonnes de poissons.
Source : L’économiste
Posté Le : Mercredi 13 juin 2018

A ce jour, elle ne dépasse guère 500 tonnes. Ce chiffre n’inclut pas la production de poissons élevés en milieu continental qui relève des Eaux et Forêts, estimée à 16.000 tonnes en 2017. Ce qui représente à peine 0,1% de la production halieutique nationale. Soit le volume le plus faible de toute la Méditerranée. Or, le dernier rapport du ministère des Finances fait état d’un potentiel de 380.000 tonnes.

A quoi est donc dû ce gap? En plus des objectifs irréalistes, plusieurs obstacles empêchent le décollage du secteur.

«Le ministère de l’Equipement exige au préalable d’effectuer une étude d’impact environnemental avant la signature d’un contrat de bail relatif à l’occupation du domaine maritime. Nous ne sommes pas opposés à cette étude qui coûte environ 400.000 DH, mais nous demandons au moins un accord de principe qui nous permettra de réaliser notre projet si les conclusions s’avéraient favorables», déclare un opérateur ayant soumissionné à l’un des appels à manifestation d’intérêt lancé par l’Agence nationale de développement de l’aquaculture.

L’investissement en question est un projet intégré comprenant une écloserie, une unité de pré-grossissement et une ferme d’élevage en mer. D’aucuns pourraient s’interroger sur le bien-fondé d’exiger la réalisation d’une étude d’impact environnemental puisque tous les plans d’aménagement ont déjà fait l’objet de cette étude de la part de l’ANDA.

L’objectif étant de donner de la visibilité aux investisseurs sur le potentiel des zones ciblées et de garantir en même temps la durabilité de la ressource.

L’aquaculture marine souffre également de la double tutelle entre le ministère de la Pêche et celui de l’Equipement. Une fois qu’un investisseur a décroché l’autorisation de créer une ferme aquacole, il doit également obtenir l’aval de l’Equipement pour une occupation permanente du domaine maritime, nécessaire à la construction d’une base en terre ferme pour le stockage de l’aliment de poisson, les filets et différents autres intrants. A l’inverse, l’aquaculture continentale relève du seul département des Eaux et Forêts.

La dernière note du Centre marocain de conjoncture (CMC) évoque d’autres contraintes. Parmi ces difficultés, le régime fiscal. En effet, à l’image d’autres secteurs tels que la cuniculture (élevage de lapins), l’apiculture, l’aviculture, l’aquaculture n’est pas fiscalement assimilée à une activité d’élevage.

Par conséquent, elles sont soumises à l’IS et à une TVA en tant qu’activité commerciale. Les produits de l’aquaculture sont hors champ de TVA. Du coup, la taxe supportée au moment de l’achat des équipements et différents intrants ne peut être déduite.

L’investissement dans l’aquaculture nécessite des moyens conséquents pour l’implantation des fermes, leur gestion, l’achat des différents intrants. Mais le secteur bute sur des problèmes de financement.

L’activité n’ayant pas encore bonne presse auprès des banques. Par conséquent, il faudrait mettre en place un dispositif de financement dédié à l’image de l’agriculture. Une expérience est actuellement conduite dans le nord du Royaume. La coopérative Al Amal (Nador) spécialisée dans la mytiliculture (élevage de moules), bénéficie actuellement d’un financement de la Région via un partenariat avec GIZ.

L’aquaculture est également pénalisée par l’amont. Il n’existe pas encore au Maroc une écloserie d’alevins destinée à approvisionner les fermes aquacoles. La seule qui existe importe elle-même ses propres alevins et les cède aux éleveurs aquacoles. Une autre est opérationnelle dans le nord, implantée sur la terre ferme.