Une loi de Finances qui
s’auto-annule! Voici, en substance, comment le Centre marocain de conjoncture
(CMC) décrit l’actuelle mouture du projet de Budget 2018. Les différentes
incitations fiscales -aussi importantes qu’elles soient- resteront entravées par
des effets secondaires prévus sur la consommation des ménages et sur la
dynamique d’investissement chez les entreprises. Selon l’Observatoire privé de
l’économie marocaine, l’effet multiplicateur des dispositions de la loi de
Finances ne devrait pas dépasser 0,6% du PIB. Un effet «limité», «insuffisant»,
«insignifiant», juge le CMC. Selon cette analyse, l’incidence des différentes
dispositions du projet de Budget demeure assez différenciée selon la nature des
mesures envisagés (incitations fiscales, investissements publics, création de
postes budgétaires…) et la catégorie d’opérateurs (agents économiques,
ménages…).
Gains
et pertes
Ainsi, dans le cas des entreprises,
le CMC estime que les effets de la loi de Finances conduiraient à une perte des
ressources disponibles à l’investissement de l’ordre de 4,7 MMDH. Au niveau des
ménages, les différentes mesures fiscales affectant la consommation généreront
une perte de ressources pour cette catégorie d’agents de 3,2 MMDH qui sera
compensée en partie par le surcroît de dépenses prévues au titre du personnel
pour un montant estimé à 1,1 MMDH. Ces pertes devraient être en partie
compensées par la hausse des dépenses de l’État. Le projet de Budget 2018
prévoit à ce titre un accroissement des dotations réservées aux dépenses de
matériel de 5,9 MMDH et une hausse des dépenses d’investissement de 4,7 MMDH,
soit un accroissement net évalué à 10,6 MMDH. Selon les calculs du CMC, il
faudra s’attendre in fine à une dépense supplémentaire de 3,6 MMDH. Une
injection qui devrait se traduire par un surcroît de demande intérieure estimé
à 6,5 MMDH, dont seulement 4,5 MMDH devraient être réalisés dans le cadre de
l’exercice budgétaire 2018. Un «effet multiplicateur» qui représente, en termes
nominaux, moins de 0,6% du PIB. «Ce résultat apparaît insignifiant compte tenu
des exigences de la relance de l’activité économique et de la promotion de
l’emploi», juge le CMC.
Failles
Le CMC critique un projet de loi qui
retient l’hypothèse d’une contraction du rythme de croissance en 2018 mais qui
ne semble pas, paradoxalement, en tirer les conséquences en termes
d’orientations de politiques économiques. «La perspective de repli de la
croissance devrait inciter les pouvoirs publics à engager des actions de
soutien et de relance de l’activité. Tel ne semble pas être le cas au vu des
configurations budgétaires globales tant sur le plan des dépenses que des
recettes, et en particulier en ce qui concerne l’effort d’investissement»,
souligne la note de l’observatoire. Ainsi, les crédits prévus au titre des
dépenses d’investissement de l’État enregistrent une hausse d’à peine 7,3%,
soit 7 fois moins que l’exercice précédent. Le volume d’investissement du
budget général rapporté au PIB demeure à peu près au même niveau que celui
observé en 2017, soit autour de 6%. Même l’introduction de la progressivité de
l’IS, avancée comme l’une des mesures les plus importantes de la mouture
actuellement en seconde lecture devant la Chambre des conseillers, ne devrait
avoir qu’un effet limité selon le CMC. Ce dernier estime que l’effet positif
touchera principalement les PME et les catégories d’auto-entrepreneurs, ce qui
aura un impact important en soi. Il souligne toutefois que cette mesure demeure
atténuée par les hausses de la TVA et des droits de douanes appliqués Ã
certains produits qui vont dans le sens inverse. «L’effet positif escompté du
côté de l’offre peut, dans une bonne proportion, être évincé par l’impact
attendu sur la formation des prix et, partant, sur la demande finale», souligne
le rapport.
Continuité
Ainsi, le Budget prévisionnel pour
l’exercice à venir devrait s’inscrire dans la continuité des budgets
précédents. «Dans son architecture globale, cette mouture n’apporte pas de
changements profonds par rapport à la configuration budgétaire des exercices
antérieurs que ce soit en termes de stratégie, d’objectifs en encore de
structure des dépenses». Selon l’analyse du CMC, le projet de Budget marque une
nette insuffisance quant aux objectifs, notamment en termes de croissance, de
revenus et d’emplois. Ceci ressort aussi nettement du cadre macroéconomique
retenu pour l’élaboration de la loi de Finances que des options budgétaires,
sur le plan des recettes comme sur celui des dépenses.