Le Centre marocain de conjoncture
(CMC) table sur un taux de croissance de 4,4% au Maroc cette année, d’après un
scénario prévisionnel établi en juin dernier. Les économistes du Centre, qui a
publié son rapport annuel intitulé «Croissance disruptive», expliquent que les
perspectives de l’économie marocaine pour 2023 «seraient déviées de leur
véritable trajectoire de reprise et devraient être contrariées par la jonction
d’un certain nombre de facteurs aussi bien d’ordre interne qu’externe». Il
s’agit, entre autres, énumèrent-ils, du déficit hydrique qu’a connu
l’agriculture, de la récession de l’économie mondiale, de «l’embrasement» des
prix, des ruptures des chaînes d’approvisionnement, de l’impact négatif de la
guerre en Ukraine et l’embargo économique des pays occidentaux envers la Russie
et aussi des effets que pourrait provoquer douze mois de resserrement de
politique monétaire...
Pour 2024, le CMC s’attend à ce que
l’économie nationale croisse de 4,7%, «un scénario exploratoire établi sur la
base des tendances de quelques variables macroéconomiques et sur les intentions
des agents économiques et les appréciations des opérateurs». Ces anticipations
augurent-elles d’une véritable reprise qui se prépare ou constituent-elles un
simple nivelage de croissance ? s’interroge le CMC. Dans le détail, les
économistes du CMC expliquent les différents aspects du comportement de
l’économie marocaine cette année. Ainsi, la croissance du commerce devrait
ralentir à 1,7% en 2023 selon l’OMC, «freinée par la guerre en Ukraine,
l’inflation durablement élevée, une politique monétaire plus rigoureuse et
l’incertitude financière».
Les prévisions sont «entourées
d’importants risques de détérioration», estiment-ils. Il s’agit, notent-ils,
des tensions géopolitiques croissantes, l’insécurité alimentaire mondiale, la
possibilité de répercussions imprévues du durcissement de la politique
monétaire, les risques affectant la stabilité financière et l’augmentation des
niveaux de dette. «Les impacts de ces tendances sur les exportations et
l’économie du Maroc empruntent deux directions opposées, sans que leur bilan
soit facile à établir», relèvent-ils. «La relative faiblesse des importations
européennes, les tensions sur les marchés des produits de base, énergétiques et
alimentaires, présentent des menaces, tandis que le rebond attendu du marché
automobile et la forte reprise du tourisme sont des facteurs favorables»,
expliquent-ils.
Politique économique au Maroc :
quels arbitrages ?
Le CMC souligne également que «les
orientations en matière de politique économique suscitent, dans le contexte de
stagflation généralisée qui marque cette période de l’après-pandémie, de
multiples appréhensions quant à la pertinence des éléments qui fondent les
arbitrages à faire, le choix des objectifs, la détermination des priorités et
la pertinence des
instruments de mise en œuvre». D’un
côté, note le Centre, la faiblesse de la reprise du cycle d’activité et la
persistance des effets de la pandémie sur la dynamique de production et des
échanges imposent la mise en Å“uvre de mesures de relance qui permettent Ã
l’économie de retrouver plus de vigueur afin de rattraper les pertes de
croissance, de revenus et d’emplois, cumulées pendant plus de deux années.
De l’autre, poursuit-il, la montée
des tensions inflationnistes, en lien avec liée avec la recrudescence des
risques face à l’instabilité géopolitique et ses répercussions sur
l’approvisionnement des marchés internationaux des produits de base et de
l’énergie, suggère plus de prudence dans la manipulation des instruments usuels
du policy-mix. «Dans cette conjoncture atypique où les déséquilibres
post-pandémie se dédoublent des effets de la crise inflationniste, le Maroc se
trouve, à l’instar de la plupart des pays, confronté au dilemme classique de
politique économique, celui du dosage pertinent entre relance de l’activité et
stabilisation des prix».
Le CMC insiste, par ailleurs, sur la
nécessité de concevoir des politiques et des interventions ciblées pour en
améliorer la situation sur le marché du travail marocain qui est confronté Ã
plusieurs défis, inhérents à la faible participation des femmes, au taux de
chômage élevé parmi les jeunes, à la prédominance de l’emploi informel et au
manque de travailleurs qualifiés…
Le Centre note que le système
financier se trouve confronté au dilemme suivant : «comment pourvoir aux
besoins du secteur productif en liquidités tout en évitant d’alimenter les
dérapages inflationnistes, grand défi de la conjoncture actuelle».