Le Centre marocain de conjoncture
s’est à son tour penché sur les enjeux des 3ème assises de la fiscalité tout en
étant conscients que la fiscalité est un chantier très vaste qui demande des
analyses suffisamment approfondies avant d’aboutir à des conclusion définitives
de portée unique. C’est dire qu’il ne faut surtout pas aller vite en besogne au
risque de retourner à la case de départ. Bien qu’à lui seul, le système fiscal
ne soit pas suffisant, les conjoncturistes prétendent qu’il reste déterminant
dans le climat des affaires. Aux côtés d’autres politiques économiques, la
fiscalité contribue dans la croissance et la lutte contre les inégalités. Elle
est toutefois une entreprise de longue haleine dans un contexte où les pouvoirs
publics sont appelés à rester vigilants en ce qui concerne les équilibres
macro-économiques. Tout l’enjeu aujourd’hui est d’aiguillonner le système
fiscal vers une nouvelle dynamique en adéquation avec les transformations
économiques, sociales et politiques du pays.
Gare aux erreurs du passé !
Selon le rapport Paying taxes, qui
s’intéresse dans son édition de 2018 à l’impact de la digitalisation sur les
systèmes fiscaux, le Maroc fait bonne figure. Le pays a encore amélioré son
classement : il est au 25e rang sur un total de 190 pays. Cependant, selon le
FMI, le système fiscal marocain, comme dans beaucoup de pays de la région Moyen
Orient Afrique du Nord (MOAN), souffre d’un déficit d’efficacité et est peu
équitable.
Outre l’inefficacité et l’inéquité,
le système fiscal marocain souffre d’une forte pression fiscale. « Les
prélèvements au titre de la fiscalité rapportés au PIB atteignent actuellement
un niveau élevé comparativement à la moyenne de la région, soit 23 %. Si l’on
inclut les cotisations sociales et les autres contributions similaires, le
montant total des prélèvements obligatoires dépasse 30 % du PIB et se compare
pratiquement aux taux observés dans certains pays de l’UE », tiennent-ils Ã
expliquer.
Dans leur diagnostic, les
conjoncturistes s’attardent sur la fiscalité des ménages qui revient au-devant
de la scène à l’occasion de chaque Loi de Finances. En dépit de tous les
efforts fournis pour y remédier, le Maroc est l’un des pays d’Afrique qui
connait le taux de prélèvement obligatoire (prélèvements fiscaux et cotisations
sociales) le plus élevé du continent. En 2017, ce taux a atteint 29%. La
pression fiscale est de 22,9% et les cotisations fiscales ne pèsent que pour
6,7%. L’évolution de ces indicateurs entre 2007 et 2017 appréciée à travers les
données des comptes nationaux a été largement déterminée par celle de la
conjoncture ayant prévalu au cours de cette période. Ce niveau est, néanmoins,
beaucoup plus faible que celui observé dans les pays développés. La question
qui se pose est de savoir si le niveau de prélèvement est socialement acceptable
dans la durée ?
Au fil des dix dernières années, la
hausse continue des prélèvements obligatoires s’est traduite par une forte
pression fiscale sur les contribuables, entreprises et ménages. La
restructuration de l’impôt engagée depuis plus de trois décennies a, selon les
analystes du CMC, induit un glissement sensible de la fiscalité de la
consommation vers la fiscalité sur le capital et le travail. Les estimations
effectuées à ce titre montrent que le taux d’impôt implicite du facteur travail
a gagné près de 10 points en l’espace d’une quinzaine d’années contre 3,2
points pour le facteur capital. « Le soutien à la compétitivité des entreprises
nécessite donc un redressement de cette tendance à travers le transfert d’une
partie des charges fiscales attachées au facteur travail verts la consommation
finale », avisent les conjoncturistes.
Une chose est sûre : dans un
contexte empreint d’incertitudes, les pouvoirs publics ont du pain sur la
planche pour prendre les mesures qui s’imposent et qui pourraient s’inscrire
dans la durabilité. Le taux de croissance prévu au terme de l’année 2019 ne
serait que de 2,4% et celui de 2020 ne dépasserait guère les 3,5%. « Le
différentiel significatif entre la production effective et la production
potentielle, le chômage, l’important poids de la dette publique et
l’exacerbation du déficit budgétaire mettent à l’épreuve les politiques et les
actions entreprises par les pouvoirs publics », expliquent les conjoncturistes.
D’après eux, face au tiraillement engendré par l’important besoin de
financement du budget de l’état et la difficulté d’accéder à plus de
ressources, la pression fiscale (compte non tenu des cotisations sociales)
ayant atteint un niveau élevé 21%, les mesures et actions gouvernementales
peinent à trouver le juste équilibre entre une fiscalité accommodante pour
accompagner la croissance et inciter à l’investissement et à la prise de risque
et un système d’imposition pour renflouer les ressources de l’État.