Les nouveaux enjeux du système fiscal selon le Centre Marocain de Conjoncture

A la veille des 3èmes assises de la fiscalité, les analystes du Centre marocain de conjoncture (CMC) analysent les enjeux de la réforme fiscale dans un contexte aléatoire où le Maroc est appelé à trouver le juste équilibre.
Source : Eco Actu
Posté Le : Mardi 30 avril 2019

Le Centre marocain de conjoncture s’est à son tour penché sur les enjeux des 3ème assises de la fiscalité tout en étant conscients que la fiscalité est un chantier très vaste qui demande des analyses suffisamment approfondies avant d’aboutir à des conclusion définitives de portée unique. C’est dire qu’il ne faut surtout pas aller vite en besogne au risque de retourner à la case de départ. Bien qu’à lui seul, le système fiscal ne soit pas suffisant, les conjoncturistes prétendent qu’il reste déterminant dans le climat des affaires. Aux côtés d’autres politiques économiques, la fiscalité contribue dans la croissance et la lutte contre les inégalités. Elle est toutefois une entreprise de longue haleine dans un contexte où les pouvoirs publics sont appelés à rester vigilants en ce qui concerne les équilibres macro-économiques. Tout l’enjeu aujourd’hui est d’aiguillonner le système fiscal vers une nouvelle dynamique en adéquation avec les transformations économiques, sociales et politiques du pays.

Gare aux erreurs du passé !

Selon le rapport Paying taxes, qui s’intéresse dans son édition de 2018 à l’impact de la digitalisation sur les systèmes fiscaux, le Maroc fait bonne figure. Le pays a encore amélioré son classement : il est au 25e rang sur un total de 190 pays. Cependant, selon le FMI, le système fiscal marocain, comme dans beaucoup de pays de la région Moyen Orient Afrique du Nord (MOAN), souffre d’un déficit d’efficacité et est peu équitable.

Outre l’inefficacité et l’inéquité, le système fiscal marocain souffre d’une forte pression fiscale. « Les prélèvements au titre de la fiscalité rapportés au PIB atteignent actuellement un niveau élevé comparativement à la moyenne de la région, soit 23 %. Si l’on inclut les cotisations sociales et les autres contributions similaires, le montant total des prélèvements obligatoires dépasse 30 % du PIB et se compare pratiquement aux taux observés dans certains pays de l’UE », tiennent-ils à expliquer.

Dans leur diagnostic, les conjoncturistes s’attardent sur la fiscalité des ménages qui revient au-devant de la scène à l’occasion de chaque Loi de Finances. En dépit de tous les efforts fournis pour y remédier, le Maroc est l’un des pays d’Afrique qui connait le taux de prélèvement obligatoire (prélèvements fiscaux et cotisations sociales) le plus élevé du continent. En 2017, ce taux a atteint 29%. La pression fiscale est de 22,9% et les cotisations fiscales ne pèsent que pour 6,7%. L’évolution de ces indicateurs entre 2007 et 2017 appréciée à travers les données des comptes nationaux a été largement déterminée par celle de la conjoncture ayant prévalu au cours de cette période. Ce niveau est, néanmoins, beaucoup plus faible que celui observé dans les pays développés. La question qui se pose est de savoir si le niveau de prélèvement est socialement acceptable dans la durée ?

Au fil des dix dernières années, la hausse continue des prélèvements obligatoires s’est traduite par une forte pression fiscale sur les contribuables, entreprises et ménages. La restructuration de l’impôt engagée depuis plus de trois décennies a, selon les analystes du CMC, induit un glissement sensible de la fiscalité de la consommation vers la fiscalité sur le capital et le travail. Les estimations effectuées à ce titre montrent que le taux d’impôt implicite du facteur travail a gagné près de 10 points en l’espace d’une quinzaine d’années contre 3,2 points pour le facteur capital. « Le soutien à la compétitivité des entreprises nécessite donc un redressement de cette tendance à travers le transfert d’une partie des charges fiscales attachées au facteur travail verts la consommation finale », avisent les conjoncturistes.

Une chose est sûre : dans un contexte empreint d’incertitudes, les pouvoirs publics ont du pain sur la planche pour prendre les mesures qui s’imposent et qui pourraient s’inscrire dans la durabilité. Le taux de croissance prévu au terme de l’année 2019 ne serait que de 2,4% et celui de 2020 ne dépasserait guère les 3,5%. « Le différentiel significatif entre la production effective et la production potentielle, le chômage, l’important poids de la dette publique et l’exacerbation du déficit budgétaire mettent à l’épreuve les politiques et les actions entreprises par les pouvoirs publics », expliquent les conjoncturistes. D’après eux, face au tiraillement engendré par l’important besoin de financement du budget de l’état et la difficulté d’accéder à plus de ressources, la pression fiscale (compte non tenu des cotisations sociales) ayant atteint un niveau élevé 21%, les mesures et actions gouvernementales peinent à trouver le juste équilibre entre une fiscalité accommodante pour accompagner la croissance et inciter à l’investissement et à la prise de risque et un système d’imposition pour renflouer les ressources de l’État.