Alors que le projet de loi de
Finances 2019 prévoit de faire la part belle aux concessions sociales, les
«gendarmes financiers» internationaux viennent le rappeler à l’ordre. En effet,
l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a dégradé la perspective de
la note souveraine du Maroc de «stable» à «négative», tout en maintenant ses
notes de BBB- (long terme) et A-3 (court terme). Cette dégradation s’explique
par le fait que le royaume «s’éloigne de manière significative de son objectif
de déficit budgétaire de 3% du PIB en 2018, en raison d’une croissance moins
élevée que prévu et de tensions budgétaires plus fortes». S&P table sur un
déficit budgétaire de 3,8% du PIB en 2018 contre un objectif de 3%. Il est vrai
qu’à fin juillet 2017, les finances publiques montraient une dégradation du
déficit global. Selon la dernière publication trimestrielle du Centre marocain
de la conjoncture (CMC), les données relatives à l’exécution de la loi de
Finances dégagent un solde budgétaire négatif de 23,9 MMDH. Ce déficit est
certes en légère amélioration par rapport à la même période de 2017, mais il a
été obtenu dans des conditions spéciales : un excédent des recettes
ordinaires sur les dépenses de 30,9 MMDH, soit presque 22 MMDH de plus que
l’année passée. Ce montant n’a d’ailleurs pas compensé les dépenses de 35 MMDH
induites par les investissements et le déficit des comptes spéciaux du Trésor
qui ressort à un peu plus de 17 MMDH.
Évolution
des besoins en financement
En l’absence d’un déclin
significatif de la demande extérieure, les analystes de S&P prévoient par
ailleurs que la croissance PIB réel ralentira à 3,2% en 2018 et en 2019, avant
de se stabiliser autour de 4% en 2020 et 2021. L’agence souligne dans ce cadre
qu’elle pourrait abaisser la note souveraine du Maroc si le gouvernement ne
maîtrisait pas le déficit budgétaire, si l’endettement du Trésor dépassait les
prévisions des analystes, si la croissance du PIB réel était inférieure à leurs
attentes ou encore si le déficit extérieur s’aggravait, entraînant une augmentation
substantielle des besoins de financement de l’économie. Mais S&P ne tient
pas compte de l’évolution des recettes globales de l’État. Celles-ci ont
atteint, Ã fin juillet 2018, presque 159 MMDH. Elles sont en augmentation de
18,8% comparativement à fin juillet 2017. Ce montant représente 68% des
recettes prévue par la LF 2017. Une dynamique que les experts du CMC expliquent
par la forte progression enregistrée au niveau des recettes non fiscales dont
la valeur est passée d'un peu plus de 34,6 MMDH. Pendant ce temps, les recettes
fiscales n’ont réalisé qu’une croissance de 1,7% sous l’effet conjugué d’une
baisse de 2,2% des recettes provenant des impôts directs et des hausses
constatées au niveau des rendements des impôts indirects (5,5%) et des droits
de douane (12,8%).
Balance
commerciale de plus en plus déficitaire
Sauf que d’autres paramètres
viennent aggraver le «dossier Maroc», puisque le déficit commercial continue
d’être préoccupant. Jusqu’à fin juillet 2018, les exportations tout comme les importations
ont évolué à des rythmes identiques à l’évolution globale des échanges, portant
ainsi le déficit commercial à 138 MMDH contre 125 MMDH à la même période. De ce
fait, le solde négatif de la balance commerciale s’est détérioré de 10,4% d’une
année à l’autre. Pour sa part, le taux de couverture des importations par les
exportations s’est stabilisé à 56%. Selon S&P, une révision favorable de la
perspective de la note du royaume pourrait également avoir lieu si la stratégie
de diversification économique en cours d’implémentation dans ce pays entraînait
une croissance moins volatile.