Le CMC a proposé mercredi 26 juin un
nouveau modèle d’exportation à l’horizon 2025 qui préconise une transformation
structurelle de l’économie marocaine. Une transformation basée sur
l’industrialisation et sur la diversification de l’offre et des marchés.
Cette recommandation du CMC se base
sur plusieurs constats, largement partagés par les décideurs politiques, les
chercheurs et les acteurs du secteur privé.
La croissance au Maroc s’essouffle.
Et la demande intérieure ne peut plus continuer d’en être le seul levier. La
croissance est à chercher donc ailleurs, sur les marchés mondiaux.
Pour cela, il faut que les
exportations marocaines progressent à un rythme plus rapide qu’aujourd’hui.
Comment y parvenir ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre le CMC
dans son modèle.
Le modèle s’appuie sur deux
approches : une approche centrée sur la demande et une autre plutôt axée offre.
Une
approche par l'offre exportable
La première, qualifiée par plusieurs
économistes d’approche par l’inaction, consiste à suivre simplement la demande
extérieure, sans opérer de grandes transformations dans le tissu productif.
"La demande sur le marché
mondial évolue à un rythme de 3 à 3,5% par an. Si l’on suit cette approche,
nous aboutissons à des structures d’exportation qui ressemblent à celles que
nous avons déjà. Le total des exportations pourrait augmenter de 8% sur les dix
prochaines années. Il n’y aura pas véritablement de poussée des exportations,
la demande mondiale étant ce qu’elle est", explique M’hammed Tahraoui,
économiste du CMC.
Pour lui, cette approche est à
exclure si l’on veut aller plus loin. Ce qu’il préconise, c’est l’approche par
l’offre, plus dynamique. Cette approche s’intéresse à l’offre exportable, tente
de l’améliorer, de la diversifier, de l’adapter à de nouveaux marchés, à de
nouvelles exigences. C’est une approche de conquête.
Selon M’hammed Tahraoui, les
possibilités d’élargissement de l’offre sont multiples. Il parle
essentiellement de la méthodologie "d’espace produit" qui consiste à
exploiter la proximité qui existe entre les produits déjà exportés par le pays.
"On produit déjà des biens à l’export. On peut utiliser les mêmes
capacités, les mêmes technologies, le même savoir-faire pour fabriquer d’autres
produits qui soient proches. Le potentiel est très important selon nos
études", estime l’économiste.
En chiffres, les économistes du CMC
avancent un potentiel de croissance de 20% de l’offre exportable à moyen terme
par la seule utilisation de la "proximité produits".
Le CMC recommande également la
diversification des marchés. Le potentiel est encore une fois énorme selon ses
projections.
Près de 70% de nos exportations se
concentrent actuellement sur l’Europe. Le reste étant réparti entre Asie,
Amériques et Afrique.
Le marché européen s’essouffle. Il
faut aller vers l’Afrique essentiellement, l’Asie et les Amériques. C’est là où
réside le potentiel de croissance, estiment les économistes du CMC.
Pour le CMC, ce modèle d’exportation
n’est pas simplement une stratégie qui vise à booster les chiffres de l’export.
Mais peut être un levier de changement structurel du pays.
Ce raisonnement a été soutenu par le
président du CMC, Habib El Malki, dans le discours d’ouverture de cet événement
où d’éminentes personnalités du monde économique ont participé.
Nous
reproduisons ici les points saillants du raisonnement de Habib El Malki :
"Depuis plus d’une dizaine
d’années, le taux de croissance au Maroc évolue autour d’une moyenne de 3,5%
par an. Avec un tel rythme, le PIB par habitant, qui se situe actuellement
3.250 dollars, ne pourra doubler que sur une bonne trentaine d’années. Difficile
de parler dans ces conditions de rattrapage des pays émergents. La moyenne du
PIB par habitant dans ces pays est de 16.000 dollars, soit près de 5 fois la
moyenne au Maroc.
Au Maroc, le marché intérieur est
relativement exigu, étroit, aussi bien par sa taille que par son pouvoir
d’achat. Mais on peut rétorquer qu’il y a des pays de 5 millions d’habitants,
comme l’Irlande, qui réalisent pourtant des taux de croissance exceptionnels
(aux alentours de 7%).
Adaptation
du cadre institutionnel
Il y a des facteurs importants qui
expliquent pourquoi un pays comme l’Irlande réalise de telles performances :
c’est d’abord un pays membre de l’UE où il y a des mécanismes de solidarité qui
fonctionnement et qui donnent des résultats probants. Deuxièmement, c’est un
pays qui a fait de la formation du capital humain une priorité.
Il nous semble donc que le choix
d’un modèle de développement orienté vers l’export s’impose comme l’alternative
la plus adaptée au nouveau contexte d’ouverture et de globalisation.
Comment le construire alors ?
Comment rattraper le retard par rapport aux pays émergents ?
Le concept de transformation
structurelle représente une véritable boite à outils. Ce concept englobe la
modernisation de l’économie par la diversification progressive, l’amélioration
de l’infrastructure et l’adaptation du cadre institutionnel.
La voie pour un nouveau modèle
implique un engagement de l’économie marocaine dans un effort global
d’industrialisation. Sans industrialisation, il ne pourra y avoir de force de
frappe exportatrice. Ceci est largement confirmé par le niveau stationnaire de
l’industrie dans le PIB qui évolue autour de 14%, un taux relativement faible.
Les services et activités assimilées
(incluant l’informel) représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée
globale. La productivité chez nous reste très faible.
Mais au-delà de ce constat, très
réaliste, il est à rappeler que le plan d’accélération industrielle (PAI) a
donné des résultats probants, encourageants, particulièrement dans des secteurs
porteurs de nouvelles dynamiques. Ce PAI montre la voie à suivre pour la
restructuration de l’économie et la diversification des produits et des
marchés.
La transformation structurelle est
intimement liée à l’industrialisation. Et l’industrialisation, c’est la
condition indispensable au développement des débouchés à l’extérieur. Sans
cette mise en relation entre transformation et industrialisation, il serait
extrêmement difficile de faire de notre économie une économie largement
exportatrice. La globalisation nous impose certes l’ouverture, mais aussi et
surtout la compétitivité.
Nos études soulignent le potentiel
de diversification productive orientée à l’export reste très important. On
compte aujourd’hui plus de 120 produits qui présentent des avantages
comparatifs potentiels pouvant donner une impulsion à la dynamique de
diversification productive et l’effort d’exportation : machines et équipements,
produits chimiques, caoutchouc et plastique, automobile, aéronautique…
La libération d’un tel potentiel
tourné export nécessite le renforcement des programmes de développement et leur
orientation prioritaire vers ces secteurs générateurs de plus de croissance.
Changer de modèle, c’est changer de
culture en définitive. Il faut s’orienter vers la culture du risque. Pour
gagner il faut accepter de perdre. Ceci implique certaines ruptures dans notre
manière de faire, de travailler, dans notre comportement, nos mentalités…
Beaucoup de conditions sont réunis aujourd’hui pour aller vers ça."