L’implémentation du programme de
relance de l’économie marocaine ne va pas se faire sans relever de nombreux
défis et opérer des choix et réformes stratégiques, sur fond d’incertitude
accrue et d’arbitrages plus complexes. En effet, les lignes de fracture
semblent se renforcer entre groupes de pays. Dans le même temps, le taux
d’inflation augmente. Porté par la relance de l’activité économique, le
commerce des marchandises a dépassé son pic d’avant la pandémie, mais sa
reprise est marquée par des divergences régionales. Pour les économistes du
Centre marocain de conjoncture (CMC), les principaux risques que court
l’économie et le commerce post-pandémie «sont liés à la pandémie elle-même, aux
ruptures d’approvisionnement et aux pressions sur les prix», indique le CMC,
dans sa dernière publication mensuelle «Maroc Conjoncture» n°340.
Budget 2022 : Sérieux doutes sur les
marges de manœuvre budgétaires du programme de relance
Comment couvrir l’important besoin
résiduel de financement du budget 2022, prévu pour dépasser les 58 MMDH et
générer un déficit budgétaire pouvant atteindre 6% du PIB ? Voici une question
qui chiffonne nos économistes du Centre marocain de conjoncture, qui
s’interroge sur la soutenabilité financière du budget 2022 censé alimenter un
programme de relance ambitieux. Suite à l’atténuation des effets de la
pandémie, le Maroc a judicieusement choisi d’anticiper la sortie de crise en
adoptant un budget prévisionnel qui opte, dans ses grandes lignes, pour un
programme de relance multiforme dans le sillage du mouvement de reprise attendu
dans les différents foyers de croissance dans le monde. Ainsi, le programme
d’action retenu pour l’exercice à venir s’articule autour de quatre priorités :
soutien à l’entreprise et à l’investissement, réforme du secteur public,
extension du système de protection sociale et développement du capital humain.
Se conformant à ces choix, la configuration budgétaire a prévu
l’intensification du programme d’investissement de l’État et de ses
démembrements dans les mois à venir. Une perspective qui devrait générer des
besoins résiduels de financement dépassant 58 MMDH avec un déficit budgétaire
pouvant atteindre 6% du PIB. Face à cette équation complexe, le CMC ne cache
pas sa préoccupation en ces termes : «Cette éventualité pose sérieusement la
question de la soutenabilité financière du programme de relance». La notion de
soutenabilité, employée en finances publiques, renvoie à la capacité d’un État
de rester solvable, c’est-à -dire de conserver des marges de manœuvre
budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements.
Poursuivre la mue du secteur
agricole et s’aligner sur les nouveaux besoins émergents
La récente crise sanitaire a mis
au-devant de la scène l’émergence de nouveaux besoins des populations, suscité
de nouvelles attentes, et accéléré la nécessité de transiter vers une
agriculture dont la mission est de répondre aux enjeux d’une alimentation
saine, suffisante, respectueuse à la fois de la santé des consommateurs, de
l’environnement et créatrice d’emplois. Face à cette nouvelle donne, le secteur
agricole marocain se doit d’être au rendez-vous, vu l’importance des enjeux.
Mais ce secteur est aussi exposé à plusieurs risques liés aux changements
climatiques, aux fluctuations des marchés et aux effets des crises. De nombreux
efforts ont été déployés pour le rendre plus moderne, plus compétitif et plus résilient
aux différents chocs pouvant l’affecter, notamment ceux produits par le
changement de l’environnement, le stress hydrique et la dégradation de la
qualité des sols, etc. Soulignons que les secteurs agricole et agroalimentaire
jouent un rôle économique et social important au Maroc. L’agriculture, en
particulier, est l’un des principaux moteurs de la croissance économique, dans
la mesure où elle contribue à la réalisation de la sécurité alimentaire de la
population marocaine, à la création d’emplois, à la réduction de la pauvreté
dans le pays, à la génération des recettes d’exportation et à la valorisation
des ressources naturelles.
Connaître profondément les mutations
sectorielles et les disponibilités en main-d’œuvre pour un emploi de qualité
«Une bonne connaissance des taux de
pauvreté des travailleurs est un moyen approprié pour aider à l’identification
des populations cibles pour adopter des mécanismes favorisant la promotion du
travail décent et élaborer des stratégies de lutte contre la pauvreté»,
souligne le CMC, qui précise que tout cela revient à dire que la disponibilité
d’informations intégrales, sur le marché du travail, est une nécessité
incontournable, particulièrement en phase de sortie de crise. Et d’ajouter :
«Assurer la relance économique revient à dire que ces outils d’analyse doivent
être mis, rapidement et de manière continue, à la disposition des décideurs
politiques, des promoteurs et des employés».
Parachever les réformes stratégiques
en instance
Le renforcement des infrastructures
d’accueil et de communication à la réduction des coûts de création
d’entreprise, en passant par la facilitation du transfert de propriété et autre
opération d’import-export…Autant de réalisations importantes enregistrées par
le Maroc et qui constituent des acquis qui lui ont permis de cheminer
progressivement, pour occuper des positions remarquables au sein de la
communauté internationale en matière d’attractivité et de climat des affaires.
Mais beaucoup d’autres réformes stratégiques, encore en instance, gagneraient Ã
être mises en place en vue de parachever un environnement propice Ã
l’investissement et nourrir davantage la croissance. Les économistes du Centre
marocain de conjoncture préconisent donc de les mettre en place, à l’instar des
réformes implémentées à l’issue du Programme d’ajustement structurel des années
80. A cette époque, le Maroc s’est employé, pour nourrir la croissance, Ã
mettre en place une série de réformes susceptibles d’améliorer son
environnement des affaires et, partant, à mobiliser l’épargne nationale et
attirer l’investissement direct étranger. Une posture qui a marqué le choix
explicite de parier sur l’entreprise et sur l’adoption franche d’une économie
de marché. Une option qui nécessite la conjugaison d’un ensemble de conditions
favorables à l’émancipation entrepreneuriale. Ce qui a permis, quelques
décennies plus tard au Royaume, de s’affirmer comme un sérieux prétendant Ã
l’émergence.